2.2.1 Des héritages mis à mal (1780-1815)


La région stéphanoise sous l’Ancien régime

Introduite à partir de Lyon, organisée selon le modèle lyonnais et installée au centre de Saint-Etienne, la passementerie constitue la première activité de la ville. Les marchands-fabricants contrôlent approvisionnement et ventes, distribuent le travail dans Saint-Etienne, le Forez et le Velay. Ces fabricants sont très impliqués dans les opérations terminales et dans la conception des dessins sur lesquels repose la valeur des rubans. La passementerie connaît une croissance importante grâce à l’introduction des métiers à la zurichoise, plus efficaces que les métiers traditionnels. A la veille de la Révolution, on compte environ 80 marchands-fabricants, 400 maîtres-passementiers et quelques 30 000 ouvriers qui font battre 15 000 métiers[73].

Les activités métallurgiques sont, elles aussi, organisées en fabriques dispersées. Installée en ville, l’armurerie repose sur d’importants savoir-faire partagés entre ouvriers et patrons qui répondent aux commandes de l’Etat. Très rurale et très spécialisée, la clouterie est animée par des « fabricants de clous ». De leur côté, les ferronniers travaillent chez eux, souvent dans le cadre d’une division du travail poussée, et vendent le fruit de leur labeur à des « clincaillers » qui commercialisent la production. La modernisation du secteur est difficile, en 1789, les ouvriers détruisent une machine à estamper les fourchettes1.

Très abondant et facile à extraire, le charbon est utilisé depuis longtemps pour des usages domestiques et pour alimenter des forges généralement situées sur les cours d’eau. Avec la croissance de la demande de houille, l’ouverture d’un canal du Rhône à Rive-de-Gier en 1780 contribue au développement de l’exploitation houillère.

La Révolution et l’Empire

En raison des perturbations qu’il génère, l’épisode révolutionnaire est désastreux pour les exportations dont vit la rubanerie. Aussi le nombre des ouvriers du secteur tombe-t-il à 5000 en 1810. La création de la Chambre des prud’hommes deux ans plus tard qui permet notamment le dépôt et la conservation des dessins de ruban, ne compense pas les difficultés mais est un gage d’avenir. Cependant, le pouvoir révolutionnaire a choisi de tout sacrifier à la production militaire et la cité prend le nom d’Armeville. De nombreux ouvriers sont réquisitionnés mais l’on ne parvient pas à organiser la manufacture d’armes de façon satisfaisante. Vivement sollicitées, les houillières qui appartiennent assez souvent à des hommes d’affaires et à des rubaniers répondent mal à la demande du pouvoir révolutionnaire.


Notes :

[73] Brigitte Reynaud, L’industrie rubanière dans la région stéphanoise (1895-1975), Presses Universitaires de Saint-Etienne, 1991.