2.3.3 De la prospérité aux difficultés (1845-1880)


Une industrie triomphante (1845-65)

Après la crise de 1847-51, l’industrie marseillaise doit faire face aux effets de son insertion plus forte dans l’espace national et dans les grands courants d’échanges - notamment méditerranéens. Pour profiter de ces nouvelles opportunités, le négoce marseillais s’investit plus nettement qu’auparavant dans le mouvement d’industrialisation. C’est à ce moment-là qu’arrivent des capitaux parisiens, qu’émerge une nouvelle génération de techniciens locaux, et que des pans entiers de l’industrie se concentrent, notamment la construction navale, la mécanique de marine et les sucreries. L’industrie du plomb lancée par Luis Figueroa qui importe du minerai espagnol permet à Marseille de devenir le principal centre français pour les métaux non ferreux. Protégée de la concurrence anglaise par une législation douanière favorable, la métallurgie du fer se spécialise dans la mécanique de marine. Ces succès débouchent même sur l’installation en 1855 d’une entreprise sidérurgique à Saint-Louis (Marseille) qui espère répondre aux besoins en fonte des industriels marseillais. Le département des Bouches-du-Rhône est en tête de la métallurgie française[96] et la ville connaît une croissance démographique impressionnante (180 000 habitants en 1846 et 300 000 en 1866).

Les difficultés de l’industrie marseillaise (1865-1880)

Au milieu des années 1860, le développement d’un réseau ferré national conjugué avec une politique de libéralisme douanier perturbe le système industriel mis en place dans les années 1830[97]. L’industrie marseillaise doit affronter à la fois une concurrence française sur le sol national et une transformation des marchés méditerranéens. La chimie et la métallurgie souffrent beaucoup de la levée des protections face à la puissance industrielle britannique. En raison de cette concurrence, l’approvisionnement en minerais méditerranéens de l’industrie du plomb et de la sidérurgie, qui se sont spécialisées avec succès dans les fontes d’affinages et les ferroalliages, devient plus difficile[98]. La situation est bien différente dans les autres secteurs qui conservent en général une organisation plus traditionnelle sans doute mieux adaptée aux incessants changements de conjoncture et c’est pour assurer leurs approvisionnements en oléagineux face aux Anglais et aux Allemands que les industriels marseillais réussissent à faire enclencher la colonisation du Dahomey. L’huilerie et la savonnerie se maintiennent ou voient leur production augmenter en même temps que le nombre d’entreprises alors que l’industrie sucrière se mécanise en se concentrant[99].


Notes :

[96] Olivier Raveux, Marseille, ville des métaux et de la vapeur…, op. cit.

[97] Xavier Daumalin, Olivier Raveux, « Marseille (1831-1865)… », art. cité.

[98] Olivier Raveux, « Marseille et la sidérurgie : les hauts-fourneaux de Saint-Louis (1855-1905) », Provence historique, 2001, fasc. 204, p. 159-175.

[99] Michel Lescure, « L'industrialisation de Marseille… », art. cité.