1.3.1 La société industrielle entre consommation et conflictualité
Le « compromis fordiste » assure une amélioration de la vie matérielle des couches populaires et moyennes, un partage de la valeur ajoutée plus favorable au travail, une sécurisation de la vieillesse et de la maladie et la généralisation de l’emploi à vie.
Il permet d’associer les gains de la productivité du travail à l’essor de la consommation de masse qui améliore le confort des ménages, ceci est particulièrement spectaculaire pour l’équipement électroménager et pour l’automobile.
Cependant, un des paradoxes de cette période de croissance industrielle est la persistance d’une forte conflictualité des rapports sociaux.
Pendant les trente années de la grande croissance, la France n’a pas été socialement apaisée[239]. A l’inverse des notions de progrès chantées par J. Fourastié, le Parti communiste qui représente entre 20 et 25% des suffrages pendant le période et la CGT qui largement majoritaire dans la plupart des bastions industriels, évoquent une « paupérisation » (un appauvrissement) relative ou absolue des ouvriers et l’organisation syndicale évoque des diminutions du pouvoir d’achat alors que c’est l’inverse qui se produit. En 1970, plus de 57% des ménages ont une auto et plus de 70% une télévision. Une historienne a dressé un inventaire de la conflictualité qui contraste avec l’imaginaire d’une croissance heureuse[240].
Sans reprendre ici l’inventaire, on cite l’exemple des mineurs du charbon qui, du début de la période[241] à l’année 1963, ont marqué la chronique sociale. Peut-être d’autant plus parce que ces conflits, pour les salaires et les conditions de travail, puis contre la fermeture des mines, se déroulent dans une entreprise nationale, les Charbonnages de France.
Bien entendu, la période de la grande croissance s’achève après les contestations massives et multiformes de la crise politique et sociale de 1968. C’est bien là un paradoxe fondamental, jamais la croissance n’a été aussi vive, avec un regain fort en 1969, jamais elle n’aura été autant contestée.
Notes :
[239] Xavier Vigna, Histoire des ouvriers en France au XXe siècle, Paris, Perrin, 2012.
[240] Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours. Editions de la Découverte, Paris, 2016, 995 p.
[241] Marion Fontaine, et Xavier Vigna. « La grève des mineurs de l'automne 1948 en France », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 121, no. 1, 2014, pp. 21-34.