1.3.2 L’adaptation inégale de l’appareil industriel

Dans la décennie 1960 la croissance de certains secteurs de l’activité manufacturière dépasse les 10% par an ! C’est le cas pour les biens de consommation durables (automobiles, équipements ménagers), de l’équipement industriel (mécanique, construction électrique), de la chimie et des matériaux.


Mais ce dynamisme ne concerne pas d’autres secteurs dont la croissance est moins forte comme la sidérurgie, le cuir, le textile. Ces croissances s’accompagnent d’une hausse continue de la productivité, 6.5% par an dans l’industrie. La France se rapproche ailleurs des meilleurs scores mondiaux.

La politique industrielle de la grande croissance des années 1960 est qualifiée par Denis Woronof de « néo saint simonienne » [242]. Avec G. Pompidou, l’intervention de l’Etat prend la forme d’incitations à la concertation d’entreprises avec l’objectif de faire émerger des « champions nationaux » dans différents secteurs industriels. Ces incitations reposent notamment sur des outils financiers comme le FDES (Fonds de Développement Economique et Social) créé en 1955 afin d’attribuer des prêts à long terme à des taux plus avantageux que ceux du marché financier. C’est ainsi que sont réalisées un nombre important de fusions ou de concentrations de grandes entreprises comme celles qui s’opèrent dans le secteur pétrolier. Citons aussi Pechiney Ugine Kuhlmann en 1971 qui réunit grande part de la chimie, de l’aluminium et des aciers spéciaux ; l’absorption de Citroën par Peugeot en 1974. Ces concentrations sont plus ou moins désirées par les différentes entreprises concernées et le bilan est contrasté. Si la fusion de Saint-Gobain et de Pont-à-Mousson, qui doit peut à l’impulsion de l’Etat, est un grand succès industriel, la réalisation de PUK produit surtout de l’endettement pour le groupe consolidé. L’échec le plus marquant, dans un contexte particulier, est celui de la réalisation de Creusot-Loire en 1970. Cette entreprise sera en faillite quatorze ans plus tard.

A l’égard de la sidérurgie, il s’agit aussi d’encourager les concentrations, mais les signes avant-coureurs de la crise industrielle frappent déjà cette industrie d’amont sous la forme d’un endettement croissant des entreprises. C’est ainsi que le plan professionnel de 1966 comporte trois volets : des injonctions à la concentration des entreprises, de nouvelles aides financières pour réaliser les grands investissements prévus et…des milliers de licenciements. La sidérurgie française n’a pas renoncé à ses ambitions, mais la grande crise de ce secteur a commencé et elle atteindra son premier paroxysme en 1978.


Notes :

[242] Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France. Du XVIe siècle à nos jours, Paris, Seuil, 1994, p. 560.