1.1.1 L’industrie française pendant la Grande Dépression
Entre 1873 et 1896, la France connait une longue phase de dépression : plutôt que d’une crise continue, il s’agit en fait d’une succession de récessions plus ou moins violentes.
Elle est marquée par une baisse à la fois de la production, des investissements, de l’emploi et des profits. Après une phase de progression très modérée en 1877-1883 (+ 0,5 %), la production diminue nettement (- 10,1 % en 1884-1889 et – 4,6 % en 1890-1894). D’abord situé à un haut niveau (+ 6,7 %), ce qui a permis l’utilisation de techniques plus modernes, l’investissement s’est ensuite tassé fortement (- 10, 05 % et – 1,8 %). Le fléchissement de l’investissement immobilier et de l’investissement ferroviaire après son apogée avec le plan Freyssinet au début des années 1880, joue son rôle dans cette baisse. Les cycles de la demande ne sont pas non plus sans influence : remplacé par le coton, le lin s’effondre et la moitié des broches disparaissent.
La réorganisation des échanges internationaux a des effets dévastateurs : les exportations de produits de qualité (laine, soie) souffrent beaucoup, quand les « articles de Paris » sont concurrencés par des imitations allemandes ou suisses ; inversement, malgré l’atonie de la demande intérieure, le marché français est de plus en plus exposé aux importations de produits étrangers moins chers, et ce malgré le retour au protectionnisme douanier en 1881, renforcé en 1892 et 1910. Dans la sidérurgie, les mines et le textile où l’activité s’est fortement contractée, les entreprises ont « dégraissé » brutalement dans les années 80. Dans la seule sidérurgie, l’emploi a diminué de 22%.
Partout en forte hausse, le chômage a sécrété misère, mendicité et vagabondage. L’indice des taux de profit est globalement divisé par deux entre les années 1860-1864 (193,8) et 1895-1899 (98,5). D’après Jean Bouvier, le creux de la vague se situe en 1885-1897 dans la sidérurgie, 1892-1898 dans les charbonnages et 1886-1898 dans la banque. La chute des profits s’explique, en premier lieu, par le rétrécissement de la demande imputable à la contraction des revenus agricoles sous l’effet de l’afflux de produits agricoles importés, à la stagnation des exportations après 1875 et à l’effondrement des investissements de base après 1883, et en second lieu, par la simultanéité de l’accélération de la baisse des prix industriels permise par les gains de productivité et de la progression des salaires nominaux.