2.3.2 Survie et transformation d’une partie des territoires industriels anciens

La grande dépression a mis en difficulté toute une série de territoires industriels anciens mais certains d’entre eux trouvent leur voie dans la spécialisation.


Peu connu et peu visible en raison de la dispersion de ses activités et de la discrétion de ses infrastructures, le pays d’Olmes se transforme sans bouleverser de fond en comble ses structures de production. Même après la Première Guerre mondiale, l’hydromécanique fournit nettement plus d’énergie aux établissements industriels que la machine à vapeur et la faiblesse des salaires, la faible capitalisation et la petite taille des entreprises favorisent l’inventivité et la réactivité indispensables à la croissance de ce système productif localisé. Au milieu du XXe siècle, ce territoire industriel est devenu le premier centre français de laine cardée[177].

Région industrielle composite et région motrice de la première révolution industrielle en France par ses charbonnages, sa sidérurgie, sa métallurgie de transformation et sa passementerie, la région stéphanoise présente un visage bien différent mais tout aussi significatif. Après avoir été le premier bassin houiller de France et été en tête de l’innovation technique dans la fabrication de l’acier, elle est profondément touchée dans les années 1880. Elle cède la première place au Nord-Pas-de-Calais qui s’impose comme premier bassin houiller et comme grande région sidérurgique derrière la Lorraine et ses gisements de fer. Si la Première Guerre mondiale a fait du bassin stéphanois l’arsenal de la France, le cycle charbonnier ne tarde pas à s’épuiser. La sidérurgie se tourne vers la fabrication des aciers spéciaux, la métallurgie trouve de nouveaux débouchés dans la construction mécanique et connaît une brillante réussite dans le cycle[178]. Alors qu’elle atteint son apogée en 1855, la passementerie connaît ensuite une période difficile. Mais, unis par des valeurs communes - attachement à la famille et au travail, goût pour la qualité - et habitués à répondre aux caprices de la mode et de la conjoncture, ouvriers et petits patrons de cette branche s’adaptent au nouveau contexte par la mécanisation, l’électrification et la féminisation de la main-d’œuvre[179]. Même si ces changements suscitent une longue grève (décembre 1899-mars 1900), les structures de production ne sont pas fondamentalement remises en question. Vers 1914, une très large majorité des passementiers travaille dans un cadre familial et l’électrification permet à la fois de ruraliser l’activité et de remplacer l’ouvrier par la femme ou la fille du petit patron ou de l’artisan. Après la guerre, la production de rubans recule devant celle des tissus d’ameublement, des tissus élastiques, des foulards et des cravates. La crise des années trente porte un coup fatal à la passementerie traditionnelle[180].


Notes :

[177] Jean-Michel Minovez, L’industrie invisible. Les draperies du Midi, XXVIIIe-XXe siècles. Essai sur l’originalité d’une trajectoire, Paris, CNRS Éditions, 2012.

[178] Jean-Paul Burdy, « L’arme et le cycle. Un autre Saint-Etienne XVIIIe-XXe siècles », in Yves Lequin [dir.], 500 années Lumière, Paris, Plon, 1991, p. 302-331.

[179] Brigitte Carrier-Reynaud, « Valeurs ouvrières, valeurs patronales, valeurs urbaines : les valeurs partagées de la rubanerie stéphanoise (des années 1850 aux années 1960) », in Jean-François Eck et Michel Lescure [dir.], Villes et districts industriels en Europe occidentale… op. cit., p. 137-148.

[180] Françoise Bayard, Mathilde Dubesset et Yves Lequin, « Un monde de la soie », dans Yves Lequin [dir.], 500 années lumière… op. cit., 84-129.