1.1.5 La crise industrielle des années 1930 en France : une crise profonde

Si elle démarre apparemment plus tard que dans les grandes puissances industrielles, la crise des années 1930 dure plus longtemps en France et se traduit par la détérioration des grands indicateurs économiques.[129].


L’indice des prix industriels, qui était de 100 en 1913, passe de 464 en 1931 à 365 en 1935. La production industrielle passe d’un indice 100 en 1928 à 94 en 1931 et à 79 en 1935, pour remonter à 89 en 1937 et à 95 en 1939. Les exportations diminuent de 60% entre 1929 et 1935. La chute des profits entraîne un effondrement des investissements. Le nombre des faillites double (de 6500 en 1929 à 13370 en 1935). Le système bancaire, notamment régional, est très touché. Négligeable en 1929, le chômage frappe 426 000 personnes en 1935 et 864 000 en 1938. Et encore, ce chiffre masque-t-il le renvoi de plus d’un million d’étrangers, le développement du travail à temps partiel et la diminution, souvent invisible, du travail féminin. En revanche, malgré une forte pression sur la main-d’oeuvre, les salaires horaires nominaux ne diminuent que de 6% de 1931 à 1935 et le noyau dur du monde ouvrier national masculin réussit en général à maintenir son emploi et son niveau de salaire. La crise n’affecte pas également tous les secteurs industriels. De 1929 à 1938, la production textile chute de 21%, l’extraction de charbon de 18% et la métallurgie de 13%. Pourtant, les industries agro-alimentaires croissent de 5%, la production d’électricité de 20% et l’industrie pétrolière de 100%.

Considérée par Alfred Sauvy comme tardive, modérée et d’origine exogène en raison du caractère traditionnel des structures de l’économie française, la crise est analysée par les historiens de la régulation des années 1980 comme précoce, profonde et endogène. A leurs yeux, elle débute avant le krach de Wall Street dans les secteurs anciens et elle est aggravée ensuite par une politique sévère de déflation. Pourtant, la politique plus généreuse du Front populaire ne se traduit pas par une reprise durable mais par de l’inflation. Quant à la reprise, elle ne viendra qu’avec la politique d’armement. Des transformations de fond sont néanmoins à l’oeuvre. Comme c’est déjà le cas pour le textile, l’industrie des biens d’équipement en difficulté se replie en partie sur l’Empire. Les ententes et les cartels limitent les pertes dans les charbonnages et dans l’industrie de l’aluminium où les prix ne perdent que 12% entre 1929 et 1935. Les avancées techniques se poursuivent, en particulier dans les nouveaux secteurs industriels. La rationalisation du travail se généralise et la productivité continue d’augmenter. La consommation poursuit sa transformation avec le développement de la publicité. Les idées d’intervention de l’Etat dans l’économie reprennent de la force. Les groupes de distribution d’électricité, comme l’Union d’électricité d’Ernest Mercier, travaillent à l’interconnexion des réseaux en lien avec l’Etat. Le dualisme de l’industrie française se maintient mais la modernisation se poursuit.


Notes :

[129] Jean-François Eck, Histoire de l’économie française. De la crise de 1929 à l’Euro, Paris, Armand Colin 2009.