2.3.1 Une géographie industrielle réorganisée

Jusque vers 1870, les activités industrielles étaient quasiment présentes dans l’ensemble de l’Hexagone sous des formes très variées.


Il s’agit d’ensembles territoriaux très divers dans lesquels l’industrie n’occupe pas toujours la première place : villes fortement industrielles dominées par une ou plusieurs activités comme Roubaix qui, avec ses grandes usines, s’affirme comme la capitale de la laine ; régions industrielles beaucoup plus vastes comme le Nord-Pas-de-Calais qui juxtapose des activités textiles importantes et variées, le premier bassin charbonnier français et une puissante sidérurgie ; vastes fabriques dispersées issues de la protoindustrialisation comme les fabriques textiles du Sud-Ouest dans lesquelles le travail à domicile domine fréquemment, ou comme la puissante fabrique lyonnaise de la soie qui irrigue un très vaste espace mobilisé par l’élevage du ver à soie (Midi), le moulinage (Ardèche) ou le tissage mécanique (Voironnais) ; de très nombreux systèmes de production localisés, anciens eux aussi, souvent implantés dans des régions rurales dans lesquels la main-d’œuvre est très fréquemment pluriactive (vallées vosgiennes textiles, vallée de l’Arve horlogère) ou encore des houillères isolées dans la périphérie du Massif central comme Carmaux. La grande dépression des années 1870-1880 conduit à la disparition ou à l’affaiblissement durable de nombreux territoires industriels souvent ruraux (notamment basse Normandie métallurgique et Languedoc textile), tandis que certains d’entre eux réussissent à survivre en se transformant (vallée de l’Arve, Morez, Pays d’Olmes).

Comme on le sait, ce sont souvent d’une part les besoins en matières premières et en énergie et d’autre part la présence de main-d’œuvre et d’un marché de consommation qui expliquent les localisations industrielles. Cette typologie élémentaire reste en grande partie valable à l’époque de la seconde industrialisation mais, pendant cette période, le développement industriel se concentre et se consolide dans les grandes régions industrielles sidérurgiques et textiles (Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Saint-Etienne et Le Creusot) et les grands ports (Bordeaux et Marseille). Par ailleurs, de Paris et des grandes villes, les nouvelles formes d’industrialisation gagnent la banlieue qui se constitue comme un nouvel espace industriel en resserrant le lien, ténu jusqu’alors, entre l’industrialisation et une France qui s’urbanise. Avec les vallées alpines, il s’agit des seuls territoires industriels spécifiques de la seconde industrialisation.