1.2.3 Le débouché colonial

Avant 1914, les industriels se plaignent du manque d’ampleur du marché national.


Dans l’entre-deux-guerres, le débouché colonial est davantage « le compagnon des mauvais jours que celui des périodes d’expansion »[132]. En effet, alors que les exportations vers l’étranger chutent de 65,8 % entre 1927 et 1936, celles à destination des colonies restent pratiquement stables, ce qui fait de l’Empire le 1er partenaire commercial de la France (33,3 % exportations totales en 1936 contre 14,8 % en 1927). Avant la crise, si le marché colonial est indispensable pour l’huilerie, la sucrerie, le tissage de coton, la cimenterie qui y réalisent plus de 50 % de leurs exportations (1929), il n’a qu’une fonction d’appoint pour les autres branches.

En revanche, avec la crise et le rétrécissement du marché mondial, le débouché colonial concerne toutes les branches de l’industrie française. Cependant, son importance varie beaucoup selon les branches : l’empire colonial absorbe la quasi-totalité des exportations des industries traditionnelles (de 84,1 % pour le ciment à 98,5 % pour le sucre en 1938), mais les autres branches (17,9 % pour les tissus de soie, 41,2 % pour les machines) y trouvent une indispensable « parade conjoncturelle », y compris les plus modernes (12,2 % pour les produits chimiques, 45 % pour les automobiles). Pour l’automobile aussi, l’empire est devenu indispensable : alors que ses exportations totales ont chuté de 36 % en 1925 à 11,4 % en 1935, la part des ventes dans les colonies est montée de 16,9 % à 46,7 %. D’où le soutien apporté par ses dirigeants à la stratégie « autarchique » défendue par les cotonniers. Concurrencée par les textiles synthétiques sur son marché domestique et bloquée sur les marchés étrangers par les industries des pays asiatiques à bas coût de main-d’oeuvre et par l’industrie américaine à la productivité très supérieure, l’industrie cotonnière ne peut échapper à ses difficultés structurelles (absence de concentration, dispersion géographique, trop faible capacité financière) qu’en cherchant à se réserver le marché colonial grâce à un régime douanier permettant d’en chasser les cotonnades étrangères.


Notes :

[132] Jacques Marseille, Empire colonial… , op. cit., p. 40-57 et 188-197.