1.1.4 Le dynamisme de l’industrie française des années 1920
L’essor consécutif à la guerre dans certains secteurs industriels ne compense pas le nonrenouvellement du capital, les difficultés de reconversion et les pertes en hommes et en matériel[127].
L’indice général de la production industrielle en 1919 n’est que de 57 (pour 100 en 1913) et il n’est que de 58 dans les industries mécaniques. Le financement de l’effort de guerre par l’emprunt qui a mis le franc en danger jusqu’à la dévaluation Poincaré de 1926 se traduit notamment par une hausse des prix industriels qui font plus que quadrupler entre 1913 et 1931. Cette inflation explique l’allégement du poids de la dette mais non la forte croissance – la plus rapide d’Europe – qui, après la crise de reconversion de l’après-guerre, est de l’ordre de 5% par an entre 1922 et 1929. Ainsi la production industrielle quadruple entre 1919 et 1929. Outre la nécessité de la reconstruction, cette croissance s’explique par une quadruple intensification : celle de l’application des découvertes scientifiques et techniques de la période précédente, celle des investissements (par autofinancement, par l’appel aux banques et à la Bourse), celle de la réorganisation des méthodes de production et celle de la mécanisation. L’outillage industriel passe en effet d’un indice 100 en 1913 à un indice 184 en 1929. Dans un contexte de manque de main-d’oeuvre, de baisse du temps de travail (journée de 8h) et d’inflation, ces transformations permettent de limiter l’augmentation du coût du travail. Parallèlement, les industries d’équipement confortées par la guerre se concentrent. La croissance s’explique enfin par la construction partielle d’un marché de consommation de masse - notamment de biens durables - appuyé sur le développement urbain.
La population urbaine, avec 21,1 millions de personnes, devient majoritaire en 1931 (50,8% de la population totale). Cette évolution est illustrée par la croissance de la production automobile qui passe de 40 000 véhicules de tourisme en 1920 à 254 000 en 1930 (dont près d’un tiers est exporté), et qui diminue ses prix de moitié. On notera que ce sont les entreprises moyennes, de 20 à 100 employés, qui obtiennent les meilleurs résultats[128]. L’industrie française conserve une structure complexe dans laquelle coexistent des secteurs traditionnels et des secteurs de pointe, des entreprises artisanales, des entreprises moyennes de 11 à 100 ouvriers qui emploient le tiers de la main-d’oeuvre et des grandes entreprises qui restent souvent entre les mains d’une même famille. Alors que le Bloc national gagne les élections notamment sur le thème de la lutte contre « l’étatisme industriel », l’intervention de l’Etat s’impose dans le domaine de l’énergie, particulièrement dans le domaine de l’électricité. Or la crise va rebattre les cartes sur cette question.
Notes :
[127] Jean Bouvier et François Caron, « Les années 1914-1930 », in F. Braudel et E. Labrousse, Histoire économique et sociale de la France, IV, 1880-1950, Paris, PUF, Quadrige, 1993, p. 633-653 ; François Caron, Histoire économique de la France… op. cit. ; Denis Woronoff, Histoire de l’industrie en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, Le Seuil, 1994.
[128] Emmanuel Chadeau, « La concentration industrielle », in Maurice Lévy-Leboyer [dir.], Histoire de la France industrielle, Paris, Larousse, 1996, p. 274-283.