1.2.2 L’entre-deux-guerres : des évolutions limitées

Avant 1914, les industriels se plaignent du manque d’ampleur du marché national.


Après-guerre, les structures du marché intérieur évoluent peu. La faiblesse de la croissance démographique (+ 5 % entre 1911 et 1936, retour de l’Alsace-Lorraine compris), l’accroissement relativement lent de la population urbaine (de 17,4 M en 1911 à 21,5 M en 1936), le faible pouvoir d’achat des salaires ouvriers qui progressent lentement jusqu’au Front populaire et les fortes disparités de revenu entre groupes sociaux, expliquent la très faible progression de la consommation privée qui passe de 80,3 % du PIB en 1913 à 81,8 % en 1938. Certes, il y a bien un élargissement de la consommation mais il profite essentiellement aux classes supérieures et moyennes, ce dont témoignent l’augmentation des ventes d’automobiles à crédit qui bondissent à 3 % en 1926 à 23 % en 1930 ou le succès du Salon des Arts ménagers (le 1er a lieu en 1923). Cette situation est à l’origine du blocage du passage à la consommation de masse et du déséquilibre durable entre la production de biens d’équipement et celle de biens de consommation.

Après la guerre, loin de se replier sur son marché national, l’industrie française s’intègre de plus en plus au marché mondial[131]. Le dynamisme des exportations de biens manufacturés est spectaculaire : sur la base 100 en 1913, elles atteignent l’indice 169 en 1928 quand celles du Royaume-Uni sont seulement à 81 et de l’Allemagne à 90. Parmi les branches exportatrices, on peut distinguer deux groupes : les industries traditionnelles qui exportent une part essentielle de leur production (67 % pour la soie, 50 % pour la laine, 50 % pour les vêtements de confection en 1928-1930), et les industries modernes pour qui les exportations représentent seulement un débouché secondaire (38 % pour la métallurgie, 23 % pour l’automobile, 25 % pour la chimie). Etant donné leur dépendance des exportations, la stabilisation du franc en 1926, le fléchissement de la demande mondiale et la montée du protectionnisme ont constitué un véritable désastre pour les industries traditionnelles qui, en 1924, assuraient 65 % des exportations totales de biens manufacturés. Mais le retournement de la conjoncture a également un impact très fort sur les industries modernes dont les exportations se sont beaucoup développées depuis l’avant-guerre. Dans ces conditions, le marché colonial revêt une importance vitale pour l’ensemble de l’industrie française.


Notes :

[131] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 1984, p. 171-176.